Janne Lehtinen
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Dans le cadre du spectacle Batailles, écrit et mis en scène par Alice Laloy et pour lequel je faisais les costumes, le Théatre de la marionnette m'a proposé de monter un atelier à l'EREA (établissement régional d'enseignement adapté) François Cavanna de Nogent-sur-Marne avec les élèves des classes de pressing (professeur Mme Goyer) et prêt-à-porter (professeur Mme Marelli), soit 16 élèves de 15 à 21 ans rencontrant des difficultés dans leur scolarité et pour nombre d'entre eux dans leur vie privée.
Le spectacle Batailles parlant essentiellement de la notion de CHUTE (tant au sens propre qu'au sens figuré) nous avons choisi, le Théâtre de la marionnette, le professeur Mme Goyer et moi d'amener les élèves à réfléchir autour de la notion d'ENVOL : parer symboliquement à l'éventuelle chute par la fabrication d'une paire d'ailes.
J’avais glané des vieux vêtements, des sacs entiers de chutes de tissus, rassemblés des matières et des outils tels que : tiges de bambous, toile de jute, bâches plastique, plastique-bulle, cordelettes, fil de fer, pelotes de laine, perles, nécessaire à couture, ciseaux, colle blanche, pinceaux, etc…
La salle était grande et nous formions ici et là des tas comme autant de « trésors » dans lesquels les élèves pouvaient piocher.
Les élèves se servaient selon leurs envies et affinités avec la matière.
J’avais volontairement négligé les plumes. Je voulais que les élèves pensent au-delà de la représentation commune des ailes d’ange ou d’oiseau. Ainsi ils développeraient leur imaginaire et suivant ce dernier leur propre expression plastique, leur propre créativité.
Beaucoup d’entre eux ne savaient pas coudre. Je leur montrais alors quelques techniques de nœuds et de collage.
Certains matins de la semaine les élèves suivaient l’atelier de jeu et d’écriture de la comédienne-auteur Nathalie Rafal. A la question posée : « que feriez-vous si vous aviez des ailes ? » ils ont trouvé beaucoup à dire. Pour certains avoir des ailes signifiait pouvoir retourner dans leur pays d’origine (Antilles, Mali, Sénégal, Sri Lanka, etc.). Ainsi le geste de fabriquer sa propre paire d'ailes est devenu bien plus qu'un simple prétexte à l'élaboration d'un projet artistique. Les élèves lui ont donné toute sa valeur, qu'elle soit symbolique, poétique et/ou métaphorique.
Sur seize élèves quatre étaient très autonomes. Les autres nous sollicitaient souvent, les professeurs et moi, mais la plupart prenaient plaisir à fabriquer, à inventer. Jour après jour ils découvraient en eux des facultés créatrices jusqu'alors ignorées. Ils se montraient de plus en plus confiants.
La semaine est passée vite et certains n’ont pas eu le temps de terminer voire de commencer leur deuxième aile mais qu’importe…ce fut une belle expérience, tant artistique qu’humaine.